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Pas de droits d'auteur pour les contenus générés par IA

Dernière mise à jour : 11 avr.

En tant que créateurs de contenus, vous exploitez plus ou moins régulièrement des outils basés sur l'intelligence artificielle dans vos missions... et ça ne fait que commencer ! Il se trouve que les questions soulevées par le droit d'auteur et l'intelligence artificielle sont nombreuses, et parmi elles figure une interrogation centrale : les contenus générés par une IA peuvent-ils ou non bénéficier de la protection par le droit d'auteur ?


Photo de Steve Johnson sur Unsplash
Photo de Steve Johnson sur Unsplash

Sommaire

  1. Définir l'intelligence artificielle

  2. Les conditions de la protection par le droit d'auteur

  3. Pas de protection par le droit d'auteur pour les contenus générés par IA

  4. Une affaire à suivre

1. Définir l'intelligence artificielle


Définir l'intelligence artificielle n'est pas une tâche aisée, et pour cause : il n'existe pas vraiment de définition unique officielle. Alors que l'encyclopédie Larousse définit l'intelligence artificielle comme un « ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence humaine », la proposition de Règlement sur l'IA (1) telle qu'amendée parle d'un « système automatisé qui est conçu pour fonctionner à différents niveaux d’autonomie et qui peut, pour des objectifs explicites ou implicites, générer des résultats tels que des prédictions, des recommandations ou des décisions qui influencent les environnements physiques ou virtuels. » Une définition plus technique proposée par Numerama explique que « l'intelligence artificielle repose sur un apprentissage : avant de pouvoir répondre correctement à des requêtes, l’algorithme est entraîné à partir d’ensembles colossaux de données. C’est un processus par erreurs et corrections successives. Ce système s’appelle apprentissage automatique (machine learning). Mais, au sein de ce système, on trouve un modèle plus poussé dans lequel l’IA repose sur un réseau de neurones artificiels. C’est le deep learning, ou apprentissage profond, grâce à auquel l’IA apprend elle-même à mieux accomplir une tâche. » On pourrait également tenter de définir l'IA par niveaux :

  • L'IA étroite ou faible (ANI - Artificial Narrow Intelligence) : c'est l'intelligence artificielle que l'on connaît aujourd'hui et qui permet d'automatiser des tâches simples à partir de données

  • L'IA forte ou générale (AGI - Artificial General Intelligence) : c'est l'idée d'une future IA qui reproduirait le système cognitif de l'homme et comprendrait la raison de ses actions

  • La superintelligence artificielle (ASI - Artificial superintelligence) : il s'agit d'une intelligence artificielle qui pourrait aller au-delà même de l'intelligence humaine

Et si l'on se penche sur les définitions de certains chercheurs comme El Mahdi El Mamdi (2) ou encore Luc Julia (3), on trouve encore d'autres subtilités très intéressantes qui précisent ou nuance les précédentes définitions.


« C'est en comparant l'intelligence artificielle à l'intelligence humaine qu'on s'aperçoit à quel point l'intelligence artificielle se concentre sur un domaine d'activité et néglige le vécu, la sensibilité, l'assimilation d'expériences, en un mot, la multidisciplinarité. » Luc Julia, L'intelligence artificielle n'existe pas, 2019, Éditions First

2. Les conditions de la protection par le droit d'auteur


Afin de comprendre pourquoi les contenus générés par une intelligence artificielle ne peuvent pas bénéficier de la protection par le droit d'auteur, il est nécessaire de faire le point sur les conditions de cette protection juridique en droit français. Pour être protégée par le droit d'auteur, une création doit répondre à deux conditions :

  • D'une part, il doit s'agir d'une oeuvre de l'esprit matérialisée

  • D'autre part, celle-ci doit être originale

C'est la condition d'originalité qui va particulièrement nous intéresser ici. L'originalité est définie par la jurisprudence comme étant « l'empreinte de la personnalité de l'auteur » ou encore comme la faculté à effectuer des « choix libres et créatifs » En ce qui concerne le logiciel par exemple, l'originalité est plutôt définie comme « la marque d'un apport créatif ».


La jurisprudence a également affirmé que seule une personne physique peut être considérée comme auteur d'une oeuvre (4), à l'exclusion des personnes morales.


3. Pas de protection par le droit d'auteur pour les contenus générés par IA


Si on schématise l'intelligence artificielle générative en 3 étapes :


1. L'IA s'entraîne grâce à des données comprenant des créations protégées par le droit d'auteur

2. L'IA exploite ces données protégées pour répondre à une demande formulée par l'Homme

3. L'IA génère des contenus (textes, images, musiques etc.)


Ainsi, des questions se posent à chaque étape, et notamment :


1. L'IA a-t-elle le droit d’exploiter des créations protégées par le droit d’auteur pour entraîner son algorithme ?

2. L'IA a-t-elle le droit d’exploiter des créations protégées pour générer des contenus ?

3. Est-ce que les contenus générés par l’IA peuvent être protégées par le droit d’auteur ?


On va donc se pencher sur cette troisième question.

Si l'on se réfère aux deux conditions de la protection par le droit d'auteur, on comprend pourquoi les contenus générés par une intelligence artificielle ne peuvent pas bénéficier de cette protection :

  • D'une part, une IA ne disposent pas d'une autonomie lui permettant de faire des choix libres et créatifs et de dévoiler ainsi l'empreinte de sa personnalité. Une intelligence artificielle va simplement permettre de générer un contenu qui répond aux instructions fournies par l'Homme via un prompt, parce qu'elle a été programmée et entraînée pour réaliser cette tâche spécifique afin d'atteindre un objectif donné.

  • D'autre part, une IA n'est pas une personne physique et ne peut donc pas bénéficier de la qualité d'auteur. Une IA ne peut dont être l'auteur d'une création qui serait protégée par le droit d'auteur.

Article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle « L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. »
Photo de Possessed Photography sur Unsplash
Photo de Possessed Photography sur Unsplash

Il est néanmoins nécessaire de distinguer deux types de créations qui peuvent impliquer l'intelligence artificielle :

  • Celles réalisées intégralement par une IA et sans aucune intervention de l'Homme

  • Celles réalisées avec une IA puis modifiée par l'Homme (créations assistées par IA)

Sur ce point l'USCO (United States Copyright Office) a publié un guide en mars 2023 (5) afin de préciser la protection accordée ou non par le copyright sur des contenus générés par intelligence artificielle. L'office américain explique que la protection par le copyright est exclue uniquement si la création est intégralement générée par une IA, mais que la protection par le copyright est envisageable si la création générée par IA est ensuite « réarrangée » par l'homme avec un apport original.


Attention, il s'agit de la position américaine et elle se fonde sur le copyright : notre droit d'auteur français ne fonctionne pas de la même manière, mais cela donne une approche intéressante (6).



4. Une affaire à suivre


La question de la protection par le droit d'auteur, en France, portant sur les contenus généré par IA reste une affaire à suivre. Bien qu'en l'état actuel du droit français, il ne soit pas possible d'admettre une telle protection, on observe une course mondiale à la légifération autour de l'intelligence artificielle qui pourrait éventuellement changer les choses.


Pour l'instant, une proposition de loi française (8) s'est penchée sur le sujet en proposant d'insérer un nouvel alinéa dans le Code de la propriété intellectuelle :


« Lorsque l’œuvre est créée par une intelligence artificielle sans intervention humaine directe, les seuls titulaires des droits sont les auteurs ou ayants droit des œuvres qui ont permis de concevoir ladite œuvre artificielle. » article 2 de la proposition de loi n°1630 du 12 septembre 2023 visant à encadrer l'intelligence artificielle par le droit d'auteur

Au-delà des complexités techniques et du manque de précision générale de cette proposition de loi, il pourrait être problématique de légiférer à l'échelle nationale alors qu'une proposition de Règlement sur l'IA est en phase finale au niveau de l'Union Européenne (1).


En tout état de cause, les questions qui impliquent le droit d'auteur dans l'usage de l'intelligence artificielle sont nombreuses et vont au-delà de la protection des contenus générés.


On se demande également (entre autres questions) : une IA a-t-elle le droit d'exploiter des créations protégées pour entraîner ses algorithmes ? Qui est responsable en cas de contrefaçon ? Comment obtenir une éventuelle autorisation d'exploitation de la part des titulaires de droits ? Est-ce que l'exploitation des créations protégées répond à l'exception de fouille de données - qui permettrait de n'avoir aucune autorisation à obtenir pour les utiliser afin d'entraîner l'intelligence artificielle ?

.... Et j'en passe !


Affaire à suivre...


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(2) El Mahdi El Mhamdi est enseignant-chercheur à Polytechnique, ancien Senior Research Scientist chez Google, et co-auteur du livre « le fabuleux chantier : rendre l'intelligence artificielle robustement bénéfique ». Dans une interview disponible sur la chaîne Youtube de Clique TV, il définit l'IA comme « un outil de traitement automatique de l’information généralement doté d’un objectif. Un intérêt de cette définition est qu’elle permet de démystifier la notion d’intelligence artificielle. Elle n’a pas à être spectaculaire ou superintelligente pour satisfaire notre définition. Elle n’a qu’à collecter, stocker, traiter et émettre de l’information. Selon notre définition, un thermostat par exemple est une intelligence artificielle : c’est un outil qui traite de l’information (température) de manière automatisée afin de réaliser un objectif (maintenir la chambre à une température désirée. »


(3) Luc Julia est co-créateur de Siri avec Adam Cheyer, Chief Scientific Officer de Renault Group, et auteur de plusieurs livres dont « l'intelligence artificielle n'existe pas »




(6) Bien que copyright et droit d'auteur soient des équivalents, il ne s'agit pas de la même protection




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